Sous l’impulsion d’institutions nationales et internationales, les professionnels de la finance sont mis à contribution de longue date pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La transposition récente de plusieurs directives européennes au sein du Code monétaire et financier (CMF) renforce les obligations et les sanctions. Quel est l’impact concret de ces récentes mesures sur les professionnels du secteur financier ? Infolegale vous propose de faire le point sur la réglementation LCB-FT.
Le secteur financier est très exposé au risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. À ce titre, il est assujetti à des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Sur le plan national, la lutte est menée par :
TRACFIN : cellule de renseignements financiers créée en 1990 chargée de recueillir, analyser et enrichir les déclarations émises par les professionnels assujettis ;
Les personnes listées ci-dessus doivent mettre en œuvre la réglementation LCB-FT prévue par le titre VI du livre V du CMF.
En la matière, le CMF retranscrit des directives européennes qui, elles-mêmes, s’inspirent largement des travaux et recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental établi en 1989 par les ministres de ses juridictions membres.
Celui-ci propose 40 recommandations regroupées autour de 6 objectifs principaux :
Concrètement, c’est à l’ACPR que revient la mission de faire appliquer le Code monétaire et financier (CMF) que les personnes assujetties respectent la réglementation LCB-FT. A ce titre, l’ACPR met en œuvre les contrôles et sanctionne, le cas échéant, les contrevenants par le biais de sa Commission des sanctions.
Le secteur bancaire et celui des assurances sont assujettis à la réglementation LCB-FT sous le contrôle de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et et de Résolution (ACPR) :
Ainsi, les personnes physiques et morales concernées par ces obligations sont listées
dans l’article L561-2 du Code monétaire et Financier :
• Les établissements du secteur bancaire
• Les compagnies et les courtiers en assurance
• Les institutions de prévoyance
• Les mutuelles et unions d’assurances, de réassurance et de capitalisation
• La Banque de France
• Les entreprises d’investissement (à l’exception des sociétés de gestion de
portefeuille) y compris celles ayant leur siège à l’étranger
• Les établissements de crédit) y compris celles ayant leur siège à l’étranger
• Et de manière générale, toutes les sociétés, personnes morales et personnes
physiques dont la totalité ou une partie de l’activité concerne des activités de
conseil, d’investissement ou de crédit financier
Pour les entreprises ayant une dimension internationale, il y a lieu de porter une vigilance particulière à certaines lois et réglementations nationales et internationales relatives à la lutte contre la corruption imposant des règles d’extraterritorialité en particulier :
Il convient également de noter que ces réglementations s'inscrivent dans le cadre plus large de la réglementation LCB/FT, qui impose des obligations particulières aux entreprises afin de prévenir le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Les personnes concernées (principalement les établissements de crédit, financiers et d’assurance) se doivent désormais d’appliquer les mesures de vigilance en fonction de l'évaluation des risques présentés par leurs activités en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Pour ce faire, avant d'entrer en relation d'affaires avec leur client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, elles doivent identifier leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif en vérifiant « tout document écrit à caractère probant » (L.561-5 du CMF), conformément aux exigences de la réglementation LCB-FT.
Par ailleurs, elles se doivent d’identifier et de vérifier dans les mêmes conditions l'identité de leurs clients occasionnels et, le cas échéant, de leurs bénéficiaires effectifs, lorsqu'elles soupçonnent qu'une opération pourrait participer au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme ou lorsque les opérations sont d'une certaine nature ou dépassent un certain montant.
Ce dispositif est également imposé lorsque le client souscrit ou adhère à un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation, elles doivent également identifier et vérifier l'identité des bénéficiaires de ces contrats et le cas échéant des bénéficiaires effectifs de ces bénéficiaires.
En outre, les sociétés concernées doivent actualiser ces informations pendant toute la durée de la relation d’affaires ce qui exige une organisation interne solide.
Enfin, si elles identifient ou soupçonnent une opération frauduleuse, elles sont dans l’obligation d’en faire la déclaration dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Procédures de contrôle interne à mettre en place :
Les sociétés sont dans l’obligation de mettre en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l'évaluation des risques imposée par la réglementation LCB-FT.
Le principe de « best effort » (une obligation de moyens à la charge des sociétés) introduit par les recommandations internationales se concrétise notamment par deux éléments : l’obligation de nommer un responsable occupant une position hiérarchique élevée et possédant une connaissance suffisante du sujet et l’obligation de conserver pendant cinq ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec eux les documents et informations, quel qu'en soit le support, relatifs à l'identité, et à la teneur des opérations effectuées, de leurs clients habituels ou occasionnels.
Les sociétés peuvent faire appel à un tiers pour accomplir cette mission sous certaines conditions (L.561-7 du CMF).
La 4ème directive LBC rédigée en 2015 est la dernière avancée en date en la matière. Elle a été transposée dans le Code monétaire et financier français il y a quelques mois, notamment par le biais de l’Ordonnance du 1er décembre 2016.
La principale avancée de cette directive concerne la recherche du bénéficiaire effectif dont la définition a été affinée : « la ou les personnes physiques : 1° Soit qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, le client ; 2° Soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée. »
S’agissant d’une société, le bénéficiaire effectif désigne la ou les personnes physiques qui :
Un projet de décret en cours de validation au Conseil d’Etat devrait venir compléter la notion de bénéficiaire effectif, un élément clé de la réglementation LCB-FT, en précisant que :
L’ACPR dispose du pouvoir de prendre des mesures de police administrative et du pouvoir de sanction pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En cas d’insuffisances caractérisées du dispositif, de grave défaut de vigilance, de carence sérieuse dans l'organisation du dispositif ou des procédures de contrôle ou une exposition non maîtrisée au risque lié à la réglementation LCB-FT, elle peut :
Depuis le mois de décembre 2016, la Commission des sanctions a prononcé 3 sanctions pécuniaires :
Pour faciliter la tâche des autorités dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les sociétés immatriculées sur le territoire français seront désormais dans l’obligation d’obtenir et de conserver des informations exactes et actualisées sur leurs bénéficiaires effectifs, en conformité avec la réglementation LCB-FT. Ce document devra ensuite être déposé auprès du tribunal de commerce compétent
Un décret publié le 12 juin 2017 précise les modalités d’application de cette mesure :
Échéances : |
• L’Ordonnance 2016-1635 du 1er décembre 2016 transpose en droit français la 4ème directive européenne UE 2015/847 du 20 mai 2015 sur la lutte anti-blanchiment, 6 mois avant la date limite qui avait été fixée au 26 juin 2017 |
• Le 1er août 2017 : entrée en vigueur des articles relatifs au registre des bénéficiaires effectifs |
• Le 1er juillet 2017 : date d’entrée en vigueur des dispositions concernant les collectivités d’outre-mer |
• Le 1er avril 2018 : date limite de dépôt au greffe du tribunal de commerce des informations relatives aux bénéficiaires effectifs pour les sociétés déjà immatriculées |
• Le 31 mai 2018 : Les organismes assujettis mentionnés à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier remettent les tableaux BLANCHIMT suivants : − B1 – Évaluation des risques par l’organisme ; − B2 – Organisation du dispositif de LCB-FT ; − B3 – Contrôle interne du dispositif de LCB-FT ; − B5 – Mesures de vigilance adaptées aux risques BC-FT et détection des opérations suspectes ; − B6 – Gel des avoirs et mesures restrictives ; − B8 – Données statistiques ; − B10 – Commentaires. Les informations fournies sont arrêtées le 31 décembre de chaque année civile. |
En résumé : La notion de bénéficiaire effectif a enfin une définition précise qui est désormais inscrite dans le CMF, selon la réglementation LCB-FT. Le bénéficiaire effectif désigne la ou les personnes physiques qui :
Depuis le 1er août 2017, les sociétés françaises auront l’obligation d’établir un registre des bénéficiaires effectifs, une mesure importante dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. S’agissant des personnes morales immatriculées avant le 1er août 2017, ces dernières avaient jusqu’au 1er avril 2018 pour se conformer au dispositif. La Commission européenne travaille actuellement sur un nouveau texte pour améliorer la performance des dispositifs mis en place. Elle souhaite notamment améliorer l’accessibilité des registres nationaux concernant les bénéficiaires effectifs, accélérer l’interconnexion des registres nationaux concernant les bénéficiaires effectifs, promouvoir l’échange automatique d’informations sur les bénéficiaires effectifs et renforcer encore les règles de vigilance à l’égard de la clientèle.
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